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   Henry Rouyer
Poète, magicien de la couleur, Rouyer l’utilise comme langage privilégié, pour remplacer les mots. C’est sa manière à lui de communiquer. De la couleur, il connaît toutes les subtilités, toutes les nuances.

L’artiste suisse, doublé d’un philosophe, travaille à Paris depuis près d’un demi-siècle. Lauréat de nombreux concours, récompensé de médailles d’or et d’argent, il reste toutefois peu connu du grand public, malgré un réseau d’expositions très étendu qui amena ses oeuvres aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en France et en Suisse.

Son œuvre, non figurative, jaillit tout droit des mouvements artistiques des années cinquante, l’abstraction lyrique et ses diverses expressions. Il a d’ailleurs côtoyé certains de ses meilleurs interprètes, Pierre Soulages, Georges Mathieu, puis les Nouveaux Réalistes Jean Tinguely, Niki-de-Saint-Phalle, ainsi que l’écrivain et critique d’art Pierre Restany, pour ne citer que ceux-ci.

Intitulées Fenêtres, Déchirures, Tabernacle, Rectangle d’or, ses toiles sont tantôt des champs aux tons dorés, orangés, qui leur confèrent une allure d’icônes, empreintes de mysticisme ; tantôt ce sont des tons bruns doux qui irradient les canevas, des ocres fluides, évoquant la terre, les récoltes, les moissons, les blés murs. Mais il y a aussi les toiles offrant une variété de verts, aux consonances végétales, traduisant la nature dont l’artiste a la nostalgie et dans laquelle il vient s’immerger chaque année, dans le Valais de ses jeunes années, qui sont ancrées au plus profond de son être. Il privilégie pourtant les bleus intenses, aquatiques, lui rappelant ses premières expériences à Casablanca, traduisant aussi son aventure spirituelle, le bleu étant, selon Kandinsky, la couleur spirituelle par excellence. Ce sont toutefois les rouges qu’il manie avec la plus grand fougue, les rouges feu, ceux de la braise incandescente, de la vie, tels que le philosophe et ami Gaston Bachelard l’écrit dans son ouvrage sur la psychanalyse du feu.

Ce qui distingue le travail de Rouyer réside dans ses aptitudes de coloriste, mais aussi dans sa technique originale. Sur la toile brute, qu’il encolle lui-même, il applique des papiers métallisés qui contribuent à donner à ses œuvres cette luminosité si particulière, comme venue de l’intérieur. Par-dessus, il applique ensuite des papiers de soie froissés qui absorbent la couleur et se transforment en fines nervures. Sur ces fonds subtilement colorés, au relief irrégulier, il inscrit de petits signes avec une totale liberté d’expression.

Les œuvres présentées, exécutées au cours des quinze dernières années, illustrent le chemin parcouru par l’artiste. De structure bipolaire, les fenêtres se transforment, se déchirent, s’organisent en carré noir, rouge, argent ou vide au centre, deviennent rectangle d’or ou fenêtre écrite, où l’artiste s’écrit à lui-même pour se dire qu’il s’aime. Dans l’étape la plus récente, les fenêtres éclatent et se morcellent, à l’image du monde instable actuel ; leur structure devient de plus en plus complexe et les couleurs s’exacerbent et s’affrontent.
Ces œuvres, au contenu si riche, qui s’inscrivent comme de véritables paysages reflétant l’âme du philosophe qui en est l’auteur, si elles interpellent le regard des yeux, elles dévoilent la profondeur de leur richesse avec le regard du cœur.


Dr.Danielle Junod-Sugnaux


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  Henry Rouyer